Texte respoêtique par Isabelle Crosz
Parce qu’habiter à moitié le monde n’est pas une option…
Et derrière les mots, le réel ne nous attend pas.
C’est à nous d’esquisser la rencontre.
Tous les éléments d’une fable écologique sont là :
l’occupation humaine ancienne, massive, laborieuse, binaire et évidente,
la poussée primale, extensive et nécessaire de la nature, par émergences, convulsions,
la tension entre des présences contradictoires, antagonistes. Forcément problématisée.
L’inquiétude qui naît face à ce bousculement n’a pourtant pas lieu d’être,
il n’y a pas de sur-occupation, pas de zone à dégager, rien à conquérir…
mais séduction et invitation à habiter totalement ce qu’on a construit.
De l’onirique traverse ce monde où les éclats de lumière ne deviennent pas de la pollution lumineuse, où les plantes pionnières, lichens, mousses, lianes ne sont pas des espèces invasives,
où nos présences ne repoussent pas tout le reste, où on participe à une installation paisible.
Et le pictural est là !
Se déposant par couches, débarquant en strates, dessinant des possibles, brossant des pigments, lissant et fusionnant, attirant nos regards, organisant nos perceptions et interrogeant nos mémoires.
Rien de bien neuf là dedans mais Raphaël Zamora s’y installe et déploie son vocabulaire par entrelacs et glissements sans explicites ni formules, s’appropriant la matière du monde tout en le laissant vivre.
Derrière la séduction naissent des questions. Avons-nous besoin de nous séparer du vivant (dont nous sommes !) pour nous sentir vivre le monde ? Pouvons-nous laisser faire sans décider ? Est-ce une utopie de plus ? Sans attendre de réponses ni de certitudes.
Le chemin de la réconciliation d’avec le reste du vivant sous ces formes les plus silencieuses, permanentes et libres glisse vers nous. Ce sont les prémices d’un monde qu’on commence à vivre.
Peut-on croire que si nous formons en nous le rêve de cette rencontre, cela la concrétisera ?