Qu’il s’agisse de sculpture ou de peinture, la pratique de Michaela Sanson-Braun, procède de l’attitude réflexive à la fois sur le médium, son cadre et ses possibilités. Si la peinture chez l’artiste peut être souvent le lieu d’« une situation de peinture », ou d’un « défi pictural », tel qu’elle le décrit, il est à entendre ici, presque dans un sens iconoclaste et volontiers ironique, qui tiendrait du pari selon le contexte. À partir d’emprunts à l’univers de la société de consommation et une imagerie standardisée contemporaine, la façon dont Michaela Sanson-Braun manipule les effigies domestiques, participe de détournements qui mettent en suspens ou en crise les valeurs d’usage du regard. Entre analyse socio-critique, interrogation sur les rapports utilitaires et la fonctionnalité d’objets du quotidien ou d’un sujet déterminé, les productions de l’artiste allemande conjuguent expérimentations visuelles et ornementales, jeux de renversements et humour à froid.
Manière de raconter et documenter cet événement hors norme à la fois intime et quasi planétaire que fut le confinement, l’exposition 55 jours de confinement présente une série de cinquante-cinq peintures numérotées et réalisées par Michaela Sanson-Braun pendant le printemps dernier. Témoignages de cette expérience d’isolement à domicile vécu par l’artiste, ces différentes vues quotidiennes de sa fenêtre de son salon proposent une déclinaison picturale du motif de la cabane relevant à la fois du dispositif et du protocole. Prétexte à la variation sur le même thème et l’exercice répétitif poussé jusqu’à l’épuisement et l’absurde, l’exposition 55 jours de confinement offre la mise en abyme entre une projection et ses représentations, les notions de fragment et de lieu figuré, de parallèles entre habitat précaire et état mental. Parce qu’elles sont confectionnées à partir de rebuts de bois de différentes tailles et factures, supports de fortune hétérogènes, l’ensemble des peintures de Michaela Sanson-Braun dessine aux murs une toile composite grâce à la mise en écho des pièces entre elles et leur circulation gigogne. Tel qu’il s’agirait d’un storage amovible et fictif, déplacé dans un white cube, l’assemblage des textures et des épaisseurs entretient le trouble entre l’idée d’installation et d’éléments modulaires, d’art brut ou d’art naïf, de mobilier et de surfaces peintes.
De même qu’elle investit le répertoire des codes et styles picturaux de façon railleuse, Michaela Sanson-Braun questionne une certaine matérialité de la peinture et son accrochage dans l’espace d’exposition tout en suggérant l’infinité des combinaisons et des agencements possibles.
55 jours de confinement tient à la fois du geste plastique, de la donnée performative, du dérisoire et d’une logique de la prouesse menée avec mauvais esprit.
Frédéric Emprou