La peinture est une énigme, un casse-tête, un problème à résoudre. C’est un écho de l’école d’art, d’un autre tableau, une liste de choses à faire ; un signe de la tête, un clin d’œil, un câlin, une lettre d’amour, une négation, un avertissement, un doigt d’honneur. Selon le jour, la peinture est un miroir ou une ouverture vers un autre monde, où seuls existent des points, des lignes et des surfaces; des taches de couleur sur un tapis. La peinture est un confessionnal, un ready-made, la recherche d’un signe dans une pléthore de mouvements artistiques historiques. C’est une échappatoire (temporaire) à la lourde responsabilité qui incombe à l’Auteur.
Dans « 55 Jours de Confinement », la dernière série de Michaela Sanson-Braun, chaque tableau est une fenêtre ouverte sur l’état d’esprit de l’artiste à un moment particulier. Les titres ressemblent à des inscriptions dans un journal intime – c’est une main tendue au spectateur nous guidant à travers le grand Confinement de 2020. Le paysage que Sanson-Braun nous offre n’est pas inoffensif et paraît parfois même menaçant. Les Grands y sont cités (Kandinsky, Ernst, Serra, etc.), dûment reconnus puis remerciés.
Par la fenêtre de son salon, Michaela Sanson-Braun conduit notre regard vers une construction équivoque et fragile – à la fois clubhouse, fortin et cabane, qu’elle n’a pas construite mais qui est le fruit des jeux de ses fils. Telle une Saint Siméon des temps modernes, l’artiste se positionne comme observatrice éclairée plutôt que comme créatrice. Le temps paraît ainsi suspendu et c’est finalement lui qui crée la forme. Vu sous cet aspect, cette expression d’une expression maintes fois réitérée est un appel à la vigilance, s’agissant de notions modernistes. (Ne nous laissons pas abattre !, Je n’arrive pas à me débarrasser de ce sentiment d’enfermement).
Point de secours dans un recours aux annales de l’histoire de l’art ; « 55 Jours de Confinement » fait allusion au fini, accédant ainsi à un certain optimisme. L’exposition nous mène à la peinture au sein d’un système de galeries dont les jours sont comptés mais dont l’influence ne s’est pas totalement épuisée. Le référencement à la corporalité du spectateur dans l’espace (les peintures sont suspendues à des hauteurs et angles variables) interroge le concept de White Cube et nous guide à travers un terrain vague évitant la classification et en remettant en question la fausse neutralité du mur de galerie. L’attention se focalise plutôt sur le sol (Je suis à genoux, ou Je suis atterré par ce problème !). Comme après une nuit trop arrosée, la verticalité devient un défi et la narratrice n’est hélas plus très fiable.
Quel rôle prend le spectateur dans la peinture et quelle capacité d’agir (agency) peut-on lui accorder ? Qui voit quoi et pourquoi et dans quel contexte ? Vers quoi nous orientons-nous ? Ce sont quelques-uns des points d’achoppement dans le champ d’interrogations que nous ouvre « 55 Jours de Confinement ».
Cynthia Gonzale-Bréart